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Le point zéro
22 avril 2009

Le coupable idéal

Paul est agaçant. Paul réussit tout ce qu'il entreprend. Paul a un boulot en or, une femme photogénique, deux enfants blonds souriants, de solides amis et une réputation impeccable. Paul fait son jogging au petit matin, passe une chemise blanche immaculée et amidonnée, s'occupe ensuite de ses enfants qu'il emmène à l'école, range son impeccable Audi à sa place de parking du bureau, salue amicalement les secrétaires de l'étage, et s'assied enfin devant sa table de travail bien rangée, pour une intense et riche journée de travail.

Paul n'est que la somme des clichés américains du bonheur et de la réussite, ce qui devrait en faire le plus détestable des hommes. Mais le plus agaçant dans cette histoire, c'est que ce type est réellement sympathique.

Par exemple, on ne lui connaît aucune affaire sentimentale extra-conjugale; il file même le parfait amour avec Samantha, sa femme d'origine anglaise. Samantha parle un français exquis, inculqué par un père diplomate de Sa Majesté, à haute dose de collèges privés et de visites sur le continent pendant les vacances d'été. Samantha a toujours joué au tennis, élégamment, sans jamais transpirer, tout en ne laissant aucune chance de victoire à ses adversaires. Mais Samantha n'humilie jamais ses infortunées camarades de jeu. Ces dernières apprécient au contraire chaque instant passé avec elle, louent sa simplicité et sa gentillesse, son sens de l'accueil et sa disponibilité. Samantha est évidemment ravissante, de légères tâches de rousseur donnant un brin d'exotisme à sa beauté très classique. Sa silhouette ne porte aucune séquelle de ses deux maternités, ni d'ailleurs du temps qui passe. Elle a le teint constamment halé, et les jambes parfaitement épilées.

Des amis communs m'ont un jour raconté leur randonnée de plusieurs jours dans les Pyrénées, avec Paul, Samantha et leurs enfants. Après une nuit de violents orages, ce qui peut arriver en plein été dans ces contrées reculées, nos amis sont finalement sortis au petit matin perclus de leur tente détrempée, l'oeil sombre des mauvais jours, la barbe dense et irritante des gens qui ont trop veillé. Quelle ne fût pas leur surprise de voir Samantha, un grand sourire engageant, leur annoncer que le pain grillé était prêt pour le petit-déjeuner. Paul était assis 2 pas plus loin, sa chemise propre portant la trace du repassage rigoureux imposé lors du pliage, les enfants buvant leur breuvage dans de larges bols de couleur jaune. Pas la moindre trace de boue sur les habits, équipements et même chaussures. Depuis cet épisode, nos amis appellent Paul et Samantha la famille Ricorée.

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