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Le point zéro
22 mai 2009

Delphine

Delphine, quant à elle, mène une vie dont les attraits peuvent paraître moins clinquants. Elle habite un petit appartement dans le XVIIIè arrondissement de Paris, dans lequel elle engloutit une bonne part de son salaire. Le loyer progresse invariablement, année après année, alors que l'immeuble se détériore lentement. Impossible de joindre les représentants de la famille propriétaire de l'ensemble, descendance heureuse de quelque comité des Forges, dont la richesse n'a été que partiellement amputée par les révolutions et autres impositions. La peinture jaunie de la cage d'escalier s'écaille aux entournures, les boitiers de gaz en fonte baillent, laissant apercevoir leurs entrailles de fils électriques vieillis.

Même si elle trouve parfois un clochard sur son palier, elle est contente d'habiter là, contente de vivre comme l'immense majorité des Parisiens, loin des quartiers riches de l'ouest, contente de sa rue animée, de sa boulangerie qui reste ouverte tard, de sa rue qui serpente, du vieux garage si vieux qu'il vante encore les mérites de marques depuis longtemps disparues. De toutes façons, plus grand monde n'utilise sa voiture dans ce quartier, pour peu qu'ils en possèdent une.

Mais surtout, Delphine est une citoyenne consciente. Formée a l'école de la République, elle débute un parcours universitaire brillant qui l'amène rue Saint-Guillaume. Tout le monde a sa période bénie, le moment précis ou chaque molécule de son corps et de son esprit semble vibrer a l'unisson de sa voisine, ou les choses sont faciles et le champ du possible illimite. Evidemment, Delphine tient la période de Sciences-Po pour bénie. Elle y repense souvent, les cigarettes fumées à la table des brasseries locales, le troisième café commande au serveur alors qu'on s'était promis de ne pas rester, les discours politiques et les regards équivoques, les amours passagèrement enflammées, l'esprit rassasié par tant d'émulation et de découvertes. Même si c'était il y a dix ans maintenant, à chaque fois qu'elle y repense, son âme retrouve cette quiétude que berçe maintenant une douce mélancolie.

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